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Ce voyage avec jeunes à mobilité réduite, comme on dit aujourd'hui date de 30 ans, les photos sont tirées de diapositives dupliquées, puis scannées, retravaillées un peu. Donc beaucoup de défaut

 

 


Premier voyage traversée du désert avec un groupe de handicapés physiques ...1980

Paul
Armand
Patrick
Georges
Guénahel
Jean-Marc
Luc
Xavier
Luc
Daniel
 


en 1980
avec Paul et Georges,
nous avons organisé, partagé, vécu,
une traversée du désert d'Algérie au Niger,
avec sept jeunes handicapés physiques.

 

En 1979, nous avions été embauchés, embrigadés, manipulés, trompés, pour participer à l'ouverture, à la mise en route d'un centre d'aide par le travail, créé par l'association ARAIMC, à Aubagne. Une association de parents d'enfants handicapés, dont les handicaps étaient des infirmités motrices cérébrales.
Ce centre se voulait être la suite logique du centre de rééducation pour enfants.
C'était le début du développement de l'idée selon laquelle, il était important d'aider même les handicapés les plus lourd, à s'insérer dans la vie sociale par le biais d'un travail. C'est pourquoi le C.A.T. allait ouvrir des ateliers, et proposer un travail à chacun. Il y avait un atelier de fabrication de confitures, une menuiserie ou on faisait des jouets, un atelier de ferronnerie.
Au CAT était accolé un foyer d'hébergement, avec des chambres individuelles.
Le directeur avait embauché un grand nombre "d'animateurs" sans formation, pour le foyer. Son idée était de les former dans le cadre d'un nouveau centre de formation, différent et opposé à ceux existants. Plutot que de former des moniteurs éducateurs, des aides médico psychologique, ou des aides soignants, qui étaient les formations reconnues par la DDASS, et les conventions collectives, il souhaitait "inventer" une formation nouvelle "Animateur de vie quotidienne" qui correspondrait mieux à l'aide à apporter à des handicapés adultes. L'idée était intéressante : des animateurs, qui seraient formés à l'aspect para médical de l'accueil, mais aussi à l'aspect animation de la vie quotidienne, pour donner une vie plus émoustillante, à des personnes handicapées, qui sans ce soutient, pourraient se laisser aller à l'inactivité physique et mentale....
Tous ces jeunes "animateurs firent merveilles pendant les premiers mois, apportant leur jeunesse, leur vitalité, leur énergie, leur joie de vivre...
Puis les semaines et les mois passant, ils se rendirent compte que leur formation, reçue en interne, n'était pas reconnue par la DDASS, et donc pas de reconnaissance d'un statut dans une convention collective, des salaires sans évolution possible, et un tavail qui s'avérait très lourd, sur le plan physique, avec la prise en charge des toilettes, douches, entretient des chambres, et sur le plan psychologique avec le passage de l'adolescence à l'age adulte de tous ces jeunes handicapés qui ne connaissaient de la vie, que la famille, et le centre de rééducation où ils avaient passé toute leur jeunesse.
Paul, l'infirmier, Georges, le professeur d'éducation physique, et moi, assistant social, apportions notre pierre à cette construction. Un contact , des rapports hiérarchiques différents, nous cherchions notre place dans cet ensemble, comblant de ci, de là, un manque .
Après une année de fonctionnement, des oppositions se cristalisèrent entre ce groupe des "animateurs", et la direction. Celà se traduisait par une sorte de "grève larvée", où les conséquences furent peu à peu une "non prise en charge des personnes", des jeunes handicapés attendaient longtemps dans les couloirs l'aide qui leur était indispensable pour aller aux toilettes , faire leurs besoins.
Les ateliers fonctionnaient peu à peu.
Dans cette ambience de conflit sous terrain, nous ne savions pas trop comment se situer.
Et commença à germer l'idée de faire sortir ces jeunes de ces cadres très conventionnels, et peu propices à l'évolution de jeunes adultes, sortant de l'adolescence. Paul, avait voyagé en Algérie, parcouru les déserts jusqu'au Niger, et il nous faisait rêver avec ses histoires de voyages. Jusqu'au jour ou l'idée jaillit, de faire partager à ces jeunes le goût de l'aventure. Georges et moi étions très intéressé par l'idée, et c'est ainsi que pris naissance un projet de voyage en véhicules 4X4, à travers le désert algérien, vers Tamanrasset, et le Niger, Niamey.
On déclara une nouvelle association : "Pourquoi pas Nous", dont le but sera de promouvoir l'idée de l'aventure accessible à des personnes à mobilité réduite, et dans un premier temps, organiser ce voyage.
Ce qui fut dit, fut fait, nombreuses discussions avec les parents, les administrations, les ministères, la direction du centre....
Au bout d'un an de préparation, nous étions prêts, un peu d'argent dans les caisses de l'association, grâce à quelques soirées publicitaires, deux camions 4X4 de 1936, de l'armée allemande, rachetés dans un surplus de la région, un accord avec la direction du centre pour nous laisser partir avec une partie du budget du centre, puisque nous emmenions 7 jeunes en prise en charge extérieure... un soutient financier du ministère de la jeunesse et des sports.......
Le résumé est simple, mais tout fut très compliqué. Une association de parents qui gère des centres d'accueils, celà donne la place à toutes les expressions émotionnelles complexes de la vie des parents, des enfants, et du personnel souvent pris en otage dans des triangulations relationnelles.... Les professionnels du social comprendront plus facilement de quoi je parle.
Les parents, étant à la fois les clients du centre, et les employeurs.
Il est des situations, où les roles s'imbriquent, et se mélangent, s'embrouillent..
Enfin, quelques jours avant un premier départ annoncé, un coup de gel fendit le bloc moteur d'un de nos véhicules, et c'est la "légion étrangère" d'Aubagne qui nous prêta un mécanicien, ses locaux et son outillage pour réparer notre camion.
Avec deux des jeunes du groupe de handicapés que nous emmenions, Patrick et Armand, je passais une semaine à travailler avec le "mécano" de la "légion", pour participer à cette réparation, faire une sorte de stage de mécanique improvisé.
On réalisait deux objectifs importants, réparer l'engin, et faire en sorte que les jeunes participent aux préparatifs, apprennent autre chose, la mécanique, mais aussi l'existence de "la légion étrangère", avec ses règles, ses "bizarreries", son humanité "différente"...
En fait, quelque part, nous faisions ce travail d'animation de la vie quotidienne, et nous prenions notre "job" au sérieux, même s'il est vrai que ce faisant, nous faisions des "choses" qui nous passionnaient.

C'est ainsi qu'en Janvier 1980, à l'heure ou le Paris Dakar était déjà parti, et faisait des émules...
Nous avons embarqué, à Marseille, sur un ferry pour Tunis.
Quelques jours avant notre départ, un inspecteur de la DDASS, s'était inquiété tout à coup et avait formellement interdit ce voyage. "Formellement" c'est certain, l'objectif du brav hom, étant de se couvrir en cas de pépin, nous sommes partis quand même. C'était une époque encore "possible".
Aujourd'hui une telle aventure ne sortirait pas de la Canebière.
Le groupe, c'était Patrick, Armand, Daniel, Luc, Xavier, Jean-Marc, et Guénahel.
Mais bon, je nous revois suivre le labyrinthe de file d'attente pour faire glisser nos deux camions d'un blanc éclatant, sur le ferry de la SNCM. On avait mis un siège baqué pour Daniel, le plus fragile de tous, avec renfort de mousse, des réserves d'eau, d'essence, etc ....des pneus de rechange,
mais aussi un caméraman, et un preneur de son.
Arrivés à Tunis, Paul nous emmène direct vers son restau préféré pour un couscous de poisson, délicieux. Je suis pourtant né au Maroc, et je ne connaissais pas ça du tout. Nous avons traversé la Tunisie sans problème, dernière étape hotel à Tozeur, déjà près des dunes, mais avec piscine, chambre climatisée, les derniers moments civilisés.
Puis ce fut le Sud Algérien, de la route goudronnée jusqu'à Gardaia il me semble ( c'était en 1980, et j'écris de mémoire aujourd'hui 31 Octobre 2012 ). Des petits bars restaus de routiers, des plats du jour couscous. Mais des couscous de tous les jours, pas celui des fêtes qu'on connait: juste de la semoule, et une viande de boeuf en daube, très ordinaire. Nous découvrions la bouf quotidienne des Algériens, très pauvre.
Trois jours je crois, pour arriver à Gardaïa, la porte du désert, que nous découvrions le lendemain, sous une épaisse couche de grêlons tombés la nuit, on aurait dit de la neige, étonnant, ce Sud algérien.....faisait froid.

Ensuite route vers In gall, nous faisons un premier campement sur la route, enfin, juste à coté, dans le vent, et la pluie, et le froid, et on commence à rencontrer nos premiers petits soucis.
Bien sûr, pour un premier voyage de ce genre, nous avions emmennés les jeunes les plus valides parmis ceux du centre, on prenait des risques, mais limités. Donc, ils avaient participé à l'entretien des véhicules, refait des peintures, graissé les suspensions, s'étaient entrainés à monter une tente. Mais, là, monter une tente, dans le sable, avec du vent et de la pluie......On a commencé à voir les limites de notre préparation, mais aussi de leurs possibilités, puis des nôtres. Car on avait deux camions, et nous étions trois conducteurs à nous relayer. Nous n'avions pas prévu qu'il nous faudrait faire tout le reste aussi, les tentes, la bouff, etc...
Au bout d'une semaine de voyage, nos gars commençaient à fatiguer de ces stations immobiles qui étaient plus sclérosantes pour eux que pour nous. Bon, on assume, le preneur de son, donna un coup de main de sa propre initiative, tandis que le caméraman qui se prenait très au sérieux, ne leva pas le petit doigt.

 

L'ambiance était très bonne, et nous pouvions vérifier tous les jours la validité de notre "entreprise". Ils avaient les yeux grands ouverts, curieux de ce qu'ils découvraient, et malgrè leur fatigue, restaient heureux du voyage, profitant de tout ce qu'ils pouvaient.
Seul notre cameraman commença à nous faire du soucis. Il voulait que l'on "tourne" des séquences spécialement, alors que nous attendions un reportage. "Quand tu veux filmer, tu nous le dis, on te pose avec ta caméra, tu cours devant, et nous arrivons". La mise au point dû être ferme pour qu'il réalise que "nous" accompagnateur, avions trop de poids sur les épaules pour satisfaire ses caprices d'enfant gaté. On lui fournissait le film, les pellicules, et on payait la location de la caméra, et il ne payait rien pour le super stage de formation qu'on lui donnait l'occasion de vivre...
In gall, notre première Oasis palmeraie, un délice, le groupe commençait à trouver son rythme.
Un peu de mécanique, pour controler le fonctionnement de ce moteur qu'on avait réparé avec des pièces usagées....?

 
 
Nous découvrions tous le Sud Algérien, le paysage qui petit à petit se dénude pour devenir le désert.
Ce fut In Sallah, un des lieux ou le père de foucault séjourna.
Bientot ce fut Tamanrasset, et vraiment le désert. Ils étaient déçus de ne pas s'être encore ensablé, alors, nous nous sommes ensablés.
On l'avait un peu fait exprès histoire de vivre les emmerdes comme il se doit, et du coup on a mal mesuré les risques, et on était vraiment dans l'impossibilité de sortir de là sans les plaques, dégonfler....etc....
Nous sommes allés faire un crochet jusqu'au refuge du père de Foucault, dans les monts du Hoggar. Ce fut assez dur pour nos fessiers, et surtout les leurs, car la forme de handicap qu'ils avaient, leur faisait des muscles saillants, et ils étaient plutot maigres. Malgrè les renforts de mousse et leur joie d'être là, et bien qu'ils ne se soient jamais plainds, nous savions que c'était difficile pour eux, et donc nous prenions beaucoup de précautions. Des arrêts, et des pauses d'une journée.
Au pied du refuge , nous avons eu la surprise d'entendre le Caméraman refuser de monter à pied, de peur d'abimer la caméra. Nous étions déjà en train de nous préparer à porter Daniel, qui ne pourrait pas marcher dans les cailloux. Ok ; tu veux pas suivre avec ta caméra, pas de problème, on va le faire nous, le film. Quand il nous a vu prendre son "bébé", il a filé droit. Quand j'y repense, ce trouillard, a participé par la suite à des reportages en escalade.
Il faut croire que nous l'avons assez bousculé pour qu'il se décoince.

En Algérie, nous avons eu peu de contacts avec les populations, par contre tout a changé en arrivant à Agadez, nous étions entourés partout. Les gens étaient étonnés de voir un groupe si bizarre, nous aidaient, posaient des questions, ce truc à roulettes ??
Pas une curiosité malsaine, non, plutot de la sympathie.
Puis un Marabout affirmait pouvoir les soigner, bien sûr. Et quand nous sommes repartis, j'avais "perdu" l'argent que j'avais caché dans mon sac. Super le Marabout...


Et voilà, nous l'avions fait ce voyage, les jeunes allaient retourner en avion, tandis que nous allions faire le voyage retour, avec des amis qui participaient au financement du projet.
Comme après tout dépaysement fort, le retour fut chargé d'émotions, mais déjà la suite nous attendait.
Car nous avions voulu faire un film pour promouvoir notre idée, "l'aventure accessible aux personnes handicapées".
Dès que les rushs du film, et les photos furent développées, on attendit impatiemment de les voir, mais aussi de prévoir le montage du film, et notre participation à ce montage. Le caméraman, nous fit savoir qu'ils avaient l'intention de monter le film seuls, et à Paris, quand aux photos, ils considéraient qu'elles étaient leur propriété, alors que c'est nous qui avions fourni le matériel, les matières, pellicules, et le sujet, et passé la commande.
La guerre commença, un bras de fer tant avec le caméraman, qu'avec la direction du centre qui entendait tirer tout le bénéfice publicitaire et égotiste de cette aventure.
Notre voyage, qui bien que compliqué, fatigant, lourd dans sa mise en oeuvre, était resté la réalisation d'un rêve, une source d'espoir, un élan, devint un terrain de conflit, de guerre....... En fait dans ce centre tout le monde était utilisé au maximum de ses capacités, mais dès qu'on avait donné notre énergie, on nous cassait .....
Nous avons lutté, le montage du film c'est fait à Marseille, avec notre participation, il a fallu donner des claques et subtiliser les photos pour pouvoir en faire faire des duplicatas pour toute l'équipe.
Mais ces guerres, querelles, nous ont plongé dans une ambiance désagréable, et perturbante pour les jeunes.
Nous retrouvions le CAT avec ses difficultés inchangées, les handicapés étaient mal pris en charge, l'association de parents était braquée contre les animateurs, et le directeur s'en lavait les mains, rien ne changeait.
Un de nos jeunes du voyage, "Patrick", le plus valide, le plus proche de la "normalité" avait, en fait, plus de mal que les autres à accepter son handicap. Il s'alcoolisait, et nous étions attentifs à sa situation, on restait proche, et en même temps incapables de "soigner " son mal être.
Un matin, on l'a retrouvé par terre, il s'était jeté de son balcon, et tué sur le coup.
Ce fut très difficile pour tout le monde, un désastre pour ses parents qui ne comprenaient pas, pour ses amis, tous les jeunes du centre, pour le personnel, et pour nous qui avions vécu avec lui des moments forts.
Cet acte, ce drame a posé les limites de notre prise en charge, de nos capacités de soutient.
Mais aussi la contradiction qu'il peut y avoir à aider de jeunes handicapés à vivre aussi normalement que possible.
Alors que d'une part "qu'est-ce que la normalité", et que d'autre part le but est de vivre aussi bien que possible, mais pas forcément en référence à une norme.
Il y avait ce questionnement, mais aussi l'état de tension dans lequel le CAT évoluait.
A cette époque, je n'avais pas beaucoup de recul par rapport à ce qui se passait, mais pour moi, le directeur, et l'association avaient de grandes responsabilités quand à l'état de stress permanent dans lequel tout le monde vivait au sein du centre. Et celà durait depuis trois ans déjà.
En tant qu'assistant de service social, je me sentais très concerné par cette situation de conflit et la mauvaise ambiance qui en découlait. Et surtout, avec ce conflit, le "foyer" devenait un lieu de maltraitance. Le directeur jouait avec nous tous, le jeu des entretients individuels, pour savoir ce que nous pensions, quelles étaient nos idées, et il savait nous donner l'impression d'une écoute, d'une certaine importance.
En fait il se servait de notre crédulité et ne tenait aucun compte de nos avis. Je rencontrais l'inspecteur de la Ddass, celà resta sans suite. Après trois ans, de ce fonctionnement, et ce voyage, et ce drame, il était clair que l'association, et le directeur étaient engagés dans la remise en cause de la convention collective qui régissait le CAT, et que les paroles ne suffiraient pas à les faire changer de position. De l'autre coté, le groupe des animateurs du foyer, menait une lutte sourde, larvée, qui portait tort aux jeunes handicapés. Je ne les portais pas dans mon coeur. Laisser les jeunes attendre pour aller pisser, jusqu'à ce qu'ils se "fassent dessus" comme on dit, c'était celà, la maltraitance, et ça me dérangeait beaucoup. Il nous arrivait de faire le travail à la place des animateurs.
Mais que faire, après ce drame, je ne pouvais plus supporter cette situation, il fallait que ça bouge. Alors,réunions, adhésion à un syndicat, élection des délégués, grève, réunion à la Ddass, avec l'association. Et puis grève encore, avec occupation des locaux, séquestration du directeur, et finalement licenciement pour faute lourde des deux délégués syndicaux, dont Georges, et moi.
Nous fûmes très vite abandonnés par le reste du personnel, qui nous avait suivi jusque là.
C'était la deuxième année du premier mandat de Miterrand, et nous avions eu espoir de changements.
Bon , oui, pour nous, du changement, car nous avons été parmis les premiers délégués du personnel syndiqués, à être licenciés avec l'autorisation du ministre du travail, qui était socialiste. C'était une "chose" impossible avant, sous les gouvernements de droite.. Mais Miterrand avait des comptes à régler avec les syndicats, il nous a cassé, et avec, tout le syndicalisme français. C'est la vie, faire partie de l'histoire, nous entraine sur des chemins qui ne sont pas les nôtres.....Je ne le savais pas encore.....

     
     
                       
     

 


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