18 mois que je vis sur le bateau, ancré au milieu du
fleuve.
Je viens de signer l'achat d'une fazenda, terre, forêt,
cacau, une maison.
Je restaure la maison, et je me dis que pour ne pas rester
seul, je pourrais tenter de partager
ce lieu avec Isis. J'ai travaillé sept ans avec des
toxicomanes, dans la rue, ou en centre de soins,
héroine, canabis....J'ai un peu d'expérience. Peut-être que
j'arriverais à la sortir de la rue
et du crack...
Alors je dis à mon ami Marc , que s'il la voit passer, il
faut qu'il lui dise que j'ai une proposition
à lui faire. Elle pourrait venir vivre dans la fazenda, et
essayer d'arrêter de fumer du "crack",
me donner un coup de main pour la maison, etc...
Marc le lui dit, et du tac au tac, elle répond :
"Oui, il serait temps , au septième mois de grossesse, que
j'ai une présence masculine auprès
de moi"....Et elle ajoute: " da o recado pra ele"...c'est à
dire "passe lui le message"....
J'en reviens pas de son "tac au tac". Très fin....qui semble
dire je veux bien aider ,
avoir une présence masculine, mais arrêter le crack, ça,
c'est une autre affaire.
Impossible de croiser Isis par hasard, ou d'attendre
patiemment qu'elle passe sur la plage,
alors, je demande à Marc de lui dire encore, s'il la voit,
que je l'attends à la Tapiocaria vers 18h
demain. Marc le lui dit, et elle lui répond : " Estarei",
"j'y serais".
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Le lendemain donc, je l'attends, me
demandant si c'est bien raisonnable, ou vais-je.....?.
Vers 19h , ne l'ayant pas vue, je pars, et elle arrive,
toute pomponnée, ongles soignés, jaunes.
Elle a besoin d'argent, 20 reais. Je lui dit que je vais
l'aider, que je ne sais pas trop comment,
mais que je crois que ce serait bien pour elle de s'éloigner
un peu d'Itacaré .
Je vais lui montrer la Fazenda, et elle verra si ça lui
plait.
Elle propose de venir ce soir sur le bateau, et visiter
demain la Fazenda .
Je n'ai pas trop envie de faire ainsi. Un peu trop précipité
à mon goût.
Je lui dis que demain matin, j'ai plein de choses à faire,
mais que je peux l'emmener demain
à midi.
Elle est d'accord. J'essaie de savoir un peu sa vie.
Elle vient de Sao Paulo, et a vécu à Porto Séguro, puis à
Itacaré. Elle a 33 ans,
une fille de quatre ans gardée par sa mère. Elle n'a connu
son père qu'à 15 ans.
Elle dort chez un ami, ou souvent sur la plage, ou
ailleurs....On marche dans la rue,
elle s'extasie devant la boutique de parfum, puis devant de
petites chaussures roses avec
une fleur ! Elle baisse souvent la tête, fait des signes de
croix, me remercie toutes les dix minutes.
Elle est très touchante, avec ses trente trois ans, et ses
airs de petite fille, ou de femme dure,
Ça dépend des moments.
Mais l'impression majeure est que c'est une petite fille.
Bref, je lui donne rendez-vous demain à Casa de Taipa, mon
restaurant préféré,
ou je déjeune presque tous les jours. Je me dis ; ça lui
fera pas de mal de faire un repas correct.
Le lendemain, midi pile, elle arrive, hésite à s'approcher
du restau, reste en arrêt comme une
enfant timide....Elle s'avance, mais les "garçons" ne la
laisse pas entrer.
Je vais aussitôt leur dire que je l'ai invitée.
Et je mesure déjà une part de sa vie. Visiblement, elle est
mal venue dans ce restaurant,
sans doute a-t-elle suscité des problèmes......
Je l'emmène vers la "lancha", la barque , puis visite de la
Fazenda....Elle est toute contente,
mais, j'ai du mal à savoir si elle feint, ou si c'est
naturel....
Elle a des attitudes de cover girl, un peu comme ces femmes
qui cherchent à accrocher
un homme qui a de l'argent.
Après avoir visité la fazenda, elle veut rester sur le
bateau. Quand je lui propose de s'installer
dans la cabine avant, elle dit qu'elle préfère dormir dans
le carré à coté de moi, le lit d'à coté.
Il semble qu'elle soit à la fois très dépendante
affectivement, et .....Je ne sais pas.....
Finalement on se rapproche, on dors ensemble, on couche
ensemble.....
Je ne suis pas très fier de moi, en même temps j'ai envie
d'elle, quatre années seul ????
Elle joue l'amoureuse, la petite fille, la barbie qui
s'extasie devant une robe de mariée.
Elle fait la cuisine, nettoie le bateau, chante deux heures
durant devant le tracto-pelle tout neuf
qui vient d'arriver. Ce fut un moment mémorable. Elle s'est
mise à chanter , assise sur le tracto,
à la manière d'une femme possédée par je ne sais quelle
autre entitée....bizarre....
j'étais très gêné, embêté. Mon ouvrier était là, on
travaillait dur pour que cette machine puisse
traverser un petit ruisseau. On coupait du bois, entassait
des branches, des feuillages, et
Isis chantait à tu tête, en vérité, comme une folle...Il
semblait que rien ne pouvait l'arrêter,
et surtout rien ne "devait" l'arrêter.
J'avais peur......peur qu'elle fasse une crise...un
délire......mais non, rien de plus qu'un chant..
libre....
2 décembre, le soir, en arrivant au bateau avec la barque en
alu, elle ne supporte pas d'avoir
à l'amarrer, parce qu'elle n'y arrive pas. Elle veut que je
l'aide, mais je lui réponds qu'elle peut
y arriver seule.....C'est la crise de nerf......Je ne
supporte pas ça, et la laisse seule dans la fazenda
pour passer la nuit. Le lendemain elle veut partir. Je la
ramène à Itacaré.
Je me sens coupable...manque de patience. Avec le recul des
mois, je me suis remis dans cette
situation, et je me suis aperçu qu'il était assez difficile
d'amarrer ce coté de la barque.
Le lendemain à Itacaré, je fais le tour des gens qu'elle m'a
présenté, ses amis,
pour lui faire savoir qu'elle peut revenir. Le lendemain
elle se présente à "casa de taipa"....
Et voilà, retour à la fazenda. Elle semble être très bien
ici, mais les allers retours à Itacaré
sont un peu une épreuve chaque jour, pour moi.
Elle y est dans un état d'excitation difficile à
supporter..beaucoup de demande d'achats divers...
Chaque jour amène une petite crise , avec clash possible,
aux limites.....
mais, bon,elle ne part plus, s'excuse abondemment......
Je reste très étonné , content, parfois désemparé....
Elle veut aller chercher ses affaires.....où.....en fait
elle dormait "vivait", dans un squat installé
dans une immense maison jamais terminée, en face de la mer ,
à 50m de la plage.
Un peu dégueulasse, mais rien à voir avec les squats des
caves parisiennes..
Le soleil, la plage, squat de rêve....On récupère ses
affaires....des trésors de chiffons....
Le temps passe, pas de crise, je lui achète de l'"herbe",
canabis, j'ai aussi payé ses petites dettes
(30 reais ), c'est pas grand chose, mais très désagréable.
Aller rendre visite aux dealers, dans un quartier
malfamé....J'ai choisi de lui laisser de l'herbe
à disposition, car c'est le seul produit notoirement utilisé
pour aider au sevrage de crack,
et puis c'est léger, et sans doute moins toxique que les
médicaments psy.
Je me sens bien souvent dépassé par les
difficultés...tiraillé aussi entre mon désir initial de la
sortir de la rue, et des sentiments amoureux naissants, la
nécessité d'être à la fois un éducateur..
un peu un père...un amant...un thérapeute .....
J'entre en contact avec le " CAPS " ou centre d'attention
psycho social de Itacaré.
C'est une structure type centre de jour .
Ils organisent des activités de peinture, sport, repas de
midi gratuit. Il y a une psychologue et
une psychiatre. Je rencontre toute l'équipe, et j'évoque
avec la psychologue ma situation
et celle d'Isis. Ils la connaissent un peu, mais sans plus .
Elle a l'habitude de déjeuner là,
parfois de participer à des activités.
Isis est donc de retour. elle plante, repique des fleurs,
arrose le jardin, fait le ménage, cuisine,
avec baucoup d'énergie, avec quelque chose
d'obsessionnel.....de vital, comme peut-être un
enfant hyper actif.......décore la maison, fait du crochet ,
couds une petite serviette....
Elle a des besoins sexuels importants, on fait l'amour
,toujours à sa demande :
"vai me levar pra cama ??"....Puis je me lasse et elle le
sent...
S'éloigne un peu....se dit jalouse .
Je suis tendu, fatigué....Contrarié par pleins de petits
problèmes, le projet d'électricité qui
n'avance pas, l'achat d'une voiture reste impossible...le
groupe électrogène en panne....
J'ai de plus en plus de mal à la supporter....car elle
m'aide aux taches du quotidien,
mais impossible de parler de quoique ce soit, et il y a ses
crises de nerfs qui sont là, comme une
présence permanente, comme du lait sur le feu.
Et surtout, je ne sais pas ce qu'il se passe. Qu'elle rit,
pleure, soit triste, elle refuse toujours de
dire ce qui se passe pour elle, dans sa tête, à quoi pense
t-elle ?.
Je la regarde, et elle a ce regard bizarre, pas vide, mais
"étonné", ou fait des grimaces....
Je crois qu'elle ne voit pas " l'autre ". Je dois faire
ceci, ou celà...pour elle...pas vraiment pour
lui faire plaisir, mais parce qu' elle le veut...comme
ça...sans raison.
Faut-il être sa "chose".....
Après deux jours de distance, ce soir, j'ai l'impression que
j'ai du mal à reconnaitre que je l'aime..
...On fait l'amour.....
Ce matin, je reviens du bateau, elle a ouvert le pot de
vernis, pour faire un collier....
Elle en a mis par terre....sur le couteau de cuisine. ...sur
ses vêtements, sur les fenêtres.
Je lui rappelle assez durement qu'elle ne doit pas faire
ainsi, et doit m'en parler avant de se
lancer dans du bricolage.....Elle se met en colère....moi
aussi...." vai em bora "...
Elle refuse de parler , d'entendre des explications .
Elle prépare ses affaires pour retourner vivre à Itacaré. Je
suis soulagé....
Je vais pouvoir me reposer....Mais sa grossesse arrive à
terme....quoi faire ?
Impossible de la retenir, quand elle fait une crise de nerf,
je n'ai pas de solution , à part me taire
pour éviter plus de violence, elle casse du verre, menace de
mettre le feu au jerican d'essence......
j'imagine voir tout exploser.....Je m'éloigne, elle se
calme....et s'en va.....
Le lendemain, je vais déjeuner à Casa de Taipa, je suis
triste....
Un crash pour un peu de vernis par terre....C'est tellement
dérisoire....
Alors, je m'inquiète d'elle...à l'hopital d'Itacaré, on me
dit qu'elle est passée par là, et qu'elle a
été transférée à Ilheus la plus grande ville voisine....Je
vais à Ilheus, finalise l'achat de ma
bagnole tant espérée, et trouve l'hopital....elle doit être
à l'autre, ou il y a une maternité....
Oui......elle est là...contente de me voir.......me met
"Davi" dans les bras, c'est ainsi qu'elle l'a
baptisé...il est très mignon...Frippé , un peu moche comme
tous les bébés......
Je rencontre infirmière et médecins, les mets un peu au
courant de la vie d'Isis .
En retour, ils me disent que le bébé va bien, pas de
problème pour l'instant.
J'évoque avec eux la question du "crack", et des
conséquences sur un nouveau né,
sevrage éventuel.........Je ne connais pas grand chose sur
le "crack". Eux non plus .
Ils vont appeller un de leurs collègues plus spécialisé.
Je vais revenir après demain, puis après demain
encore........Nous parlons un peu..
Isis n'a pas la parole facile...Enfin, si, pour tout ce qui
est facile à dire,.....mais les émotions, ...
les sentiments....???????????????
Pour moi non plus, c'est pas si simple.......On continue à
faire connaissance..
J'apprends quand même que Davi a la siphilis, et elle
aussi.....Je suis assez contrarié.....trop bête.
..trop con....Il faut que je fasse un test moi aussi.....le
service public n'a pas les kits "siphilis"..
Ce sera donc un laboratoire privé....résultat dans dix
jours.
En attendant , je dis à Isis, "plus de contacts,
bisous....etc ....nada...".
Elle comprend, mais je sens que c'est pas net.
Elle a des gestes très sympas, me met Davi dans les bras,
m'invite gentiment à "cuidar" de lui
(faire attention, protéger). Je suis très touché par ces
gestes, et en même temps méfiant,
car je crainds qu'elle ne fasse celà avec des arrières
pensées.
Elle pourrait vouloir que je le "reconnaisse". je suis très
ambivalent, car en même temps celà me
ferait plaisir de me déclarer comme son père. Mais je n'ai
pas confiance en Isis, pas assez.
Un jour, à l'hopital, elle m'annonce tout naturellement,
qu'elle a gouté les excréments de son fils.
....?????? Je suis abasourdi. Puis je réfléchi.....une
pratique des sociétés primitives.....
Elle voulait savoir si il allait bien . Bon, ça me parait
assez grave tout de même.
Isis reviens à la fazenda avec son bébé, "Davi". Je suis
allé les chercher à la maternité.
Elle se montre très mère poule, inquiète, trop. Je lui
répète souvent qu'un enfant, c'est déjà un
individu, et qu'il faut le respecter en tant que personne
différente de soi.
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,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,deux mois
passent sans que je trouve le temps d'écrire...............
.....après l'accouchement Isis s'est
montrée très fusionnelle avec son fils.
Puis un jour , alors que le petit pleurait déjà assez
souvent, je la questionne un peu plus, car ses
pleurs m'inquiètent . Elle me dit que ça fait trois jours
qu'il n'est pas allé à la selle. ça dépasse
les bornes, et je lui dis qu'elle fait son cinéma
surprotecteur, mais qu'elle laisse son fils souffrir
trois jours sans s'en préoccuper réellement.... Je lui
signifie que si ça continue, je vais être obligé
de faire un signalement aux autorités. Le lendemain, elle
s'en va.
Puis confie son fils à une de ses amies. Je fais une
déposition au conseil tutélaire
(équivalent du service de protection de l'enfance)...car, je
n'ai aucune autorité sur Isis, aucune
influence, et encore moins de pouvoir légal..Je sens en elle
des désirs très ambivalents envers son
fils , je sens des attitudes surprotectrices dangereuses .
Le sur-lendemain elle veut reprendre son
fils, et son amie le lui refuse...Crise s'en suit....Puis
intervention de la police, et son bébé lui est
retiré et aussitot confié à sa mère. Je me sens coupable, ce
n'était pas ce que je voulais.
Je retrouve Isis dans un état pitoyable, elle est retournée
au crack bien sûr, elle revient à la
fazenda. Elle ne m'en veut pas. J'ai l'impression qu'elle
est soulagée d'un poids.
Et puis, c'est d'elle dont je m'occupe maintenant..... Mais
bon, elle veut retourner surfer......
semble souffrir, écoute et réécoute sans cesse un jouet
musical de son bébé.
Surfer ??? Elle veut retourner fumer son crack en fait....
Enfin bref, elle est partie de nouveau et je ne sais plus
quoi faire.....
Isis est partie avec 20 reais pour acheter de l'herbe. Je
n'avais pas l'énergie de courir après des
dealers et elle voulait que je lui fasse confiance . C'était
risqué, je le savais.
Mais comment montrer que ce n'est pas un problème de
confiance, mais seulement la connaissance
du fait qu'elle n'est pas prête ......Enfin....Je l'ai
laissée y aller seule...Une semaine qu'elle est partie
, elle ne reviens pas.....
Et je prends conscience qu'on a des points communs. Elle ne
peut pas vivre comme tout le monde,
et moi, je joue les "profs" ou "éducs", et je ne peux pas
vivre, moi non plus, comme tout le monde.
Pourquoi est-ce que je vis seul, si loin de mes origines ???
J'ai encore fait le con, toujours à donner des leçons, alors
que je suis tout le temps au bord du vide,
sans désir, ni vraiment de plaisir.
Elle était bien plus vivante que moi.
J'ai cette même rage au fond de moi.
Et au lieu de partager, avec elle, je suis resté sur mon
pied d'estale...
Isis, c'est une personne très
étonnante, deux personnalités.
Une petite fille, qui, pour passer Noel demande seulement de
regarder un dessin animé , qui chante
deux heures sur le tracto-pelle tout neuf . Elle est
toujours bien, dit bonjour à tout le monde dans la
rue . C'est un peu son gagne pain, car elle sollicite de
l'aide auprès de tout le monde, quelques petites
pièces de monnaie pour parvenir à acheter son caillou de
crack . Mais sa manière de "mendier" a
un coté très sympa quand même, beaucoup de gentillesse,
sourires, petits mots sympas aux mamies
qui l'aiment bien . Elle marche toujours sur le trottoir, et
a peur de traverser les rues. Si des
personnes, des enfants, marchent dans la rue, elle va leur
dire, avec beaucoup de gentillesse, que
c'est plus prudent de marcher sur le trottoir. Fait une
prière à chaque repas pour remercier de la
nourriture, et du jour à venir qui est un cadeau.....Elle
parlait à son fils tout le temps avant la
naissance, et m'invitait à en faire autant, avec beaucoup de
"vérité".
Bien sûr il y a un peu d'extravagance dans tout son
comportement, d'exagération, mais pas trop.
Sa folie est joyeuse, attendrissante, sans perversité.
L'autre versant c'est celui d'une jeune femme très
dépendante affectivement.
Quand elle est là, dans la fazenda, toutes les dix minutes,
elle m'appelle pour savoir ou je suis,
me suis partout. Par contre, elle pique des crises de nerfs
toutes les semaines, et chaque fois je la
renvoie se calmer en allant parler à un arbre, et elle
retourne à la rue.
Je suis assez dur je crois, trop . et ça ne permet pas de
parler. Elle refuse de parler de toute façon.
C'est sur ce point que sa "folie" est visible.. Les choses
se sont dégradées après la naissance
de "Davi". Elle jouait son role de mère assez bien, avec, la
aussi, un peu d'exagération....
Mais quand elle m'a confié avoir goutté les excréments de
son fils, là j'ai compris qu'il y avait un
problème grave. Je lui ai dit que ce n'était pas à faire ce
genre de chose, et elle a semblé accepter.
Je me sentais souvent obligé de lui dire qu'un bébé c'était
déjà une personne, qu'il fallait le
respecter comme un être à part entière .
Je répétais cela assez souvent sans avoir pleine conscience
du pourquoi.
Je sentais que ça pouvait déraper, mais rien de vraiment
dramatique.
Quand Davi dormait, elle souhaitait le voir éveillé, et
quand il s'activait, elle essayait de l'endormir.
.... Ensuite les choses se sont agravées, mais plus par
concours de circonstances, et aussi à cause
de sa grande agressivité quand elle pétait les plombs. Je
reste avec cette impression que j'aurais
peut-être pu l'aider à apprivoiser sa folie, peut-être avec
la mienne.
C'est plus difficile d'écrire sur le sujet de la sexualité,
mais bon, nous avions des rapports très
satisfaisant, bien meilleurs que tout ce que j'ai pu vivre
jusqu'à présent.
En fait, ça fait plus de quarante ans
que je vis avec des idées de suicide, et c'est un peu comme
si j'étais au bord de la folie, sans vraiment m'y laisser
aller, et peut-être trouver autre chose,
ce "moi" qui reste comme en prison.
C'est, je crois, ce que j'envie chez Isis, elle est vivante
dans sa folie, et elle y est belle.
Un jour je l'ai vue participer à une partie de volley ball
sur la plage. Elle était déjà enceinte de six
ou sept mois. Elle était dans une équipe, suivait des yeux
le ballon, mais ne jouait pas vraiment.
Non, elle faisait des pas de danse dans le sable, au milieu
des joueurs, et c'était beau....
Non pas que ce fut une danse sublime, mais elle paraissait
tellement présente à ce qu'elle faisait....
C'est ce que j'ai trouvé beau. Cette sorte de présence à
soi, une "liberté d'être", en dehors des
conventions. Eh oui, elle était censée jouer au volley . Eh
bien non, elle dansait, et personne ne
semblait lui en faire le reproche. C'est en ce sens que j'ai
le sentiment de n'avoir pas été à la
hauteur. Je suis resté entre deux, sur mon "quant à soi",
dans ma petite prison à moi, bien au chaud,
et rassuré par mon bon sens.
Au lieu de la rejoindre, je suis resté loin. Elle est bien
plus vivante que moi...
Oui, elle a sa prison aussi....Le crack....ça l'aide à
supporter de ne pas pouvoir vivre comme tout le
monde. Là, après l'échec de sa tentative d'être mère pour la
troisième fois, il lui fallait un secours,
une béquille.....Je me sens responsable en partie de cet
échec, car j'ai voulu l'aider, et au lieu de ça,
je l'ai enfoncée.
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En fait, pour revenir un peu sur le
passé récent, et peut-être comprendre mieux , c'est après
lui
avoir signifié que si elle ne s'occupait pas plus réllement
de son fils, je ferais un signalement à un
service de protection, qu'elle est partie, par peur de le
perdre, et il y a eu un problème lorsqu'elle a
donné son bébé en garde et voulu le reprendre.
D'après des témoins, elle a pris son petit, s'est baignée
avec, mais d'une manière tellement excitée,
que les gens autour ont eu peur et ont appellé la police. Et
c'est à ce moment qu'il a été confié à la
grand mère. Car Isis a déjà une fille de quatre ans confiée
à sa mère.
Une semaine plus tard, elle est revenue à la fazenda . Je me
sentais très coupable de toute cette
pagaille, et cependant, elle ne m'en voulait pas du tout, et
paraissait même soulagée d'un poids.
Pour autant, elle parlait beaucoup de "Davi", faisait jouer
sans cesse son jouet musical, j'avais
beaucoup de peine à la voir ainsi. Plus tard , j'ai parlé
d'aller le voir, c'est à 400 km d'ici.
Puis elle m'a demandé de faire le voyage. rendez vous a été
pris avec sa mère, j'ai acheté les
cadeaux qu'elle voulait . la veille, je lui prête un peu
d'argent pour payer un acte de naissance de
sa fille, je viens la chercher, elle avait tout dépensé, et
me demande de la laisser une après midi
en ville. Je n'ai pas accepté, car j'ai pris l'habitude de
ne jamais la laisser seule, un peu à sa
demande d'ailleurs. Je lui ai dit , si tu sors de la
voiture, tu ne reviens pas à la fazenda......
Elle savait que je n'allais pas accepter. C'est ainsi
qu'elle cherche à me pousser hors de mes limites.
Le but étant semble t-il d' aller au clash toutes les
semaines, ce qui semble correspondre à son
besoin de crack. Donc, elle est partie, n'est pas allée voir
sa mère et ses enfants, et surtout à
revendu les cadeaux achetés pour sa fille. Le lendemain,
elle me retrouve sur la plage ou j'amarre
la barque, j'étais tellement furieux qu'elle ai vendu les
jouets des petits que je lui ai donné une gifle
devant tout le monde. Dans le travail avec les toxicos,
j'avais beaucoup évolué vers plus de
tolérance, et redonner leur liberté de choix. Ce que je
croyais avoir appris, ici, dans cette situation,
j'ai tout oublié, et je me retrouve avec ces vieux
comportements inutiles......il faut les cadrer,
ils nous mentent, nous mènent en bateau.... En fait,
j'oublie qu'elle est dépendante.... J'avais quand
même essayé de lui acheter du crack, et de la laisser fumer
ici. Quand elle en a redemandé , j'ai
refusé...... En fait je crois qu'il faut que je lui propose
de lui acheter du crack, et fumer ici.
Limiter les contacts avec la ville et ainsi la faire changer
de vie doucement, sans chercher à traiter
la dépendance. ça devrait venir tout seul , par la suite. Je
sens les choses ainsi. Il faudrait que je
l'accepte telle qu'elle est.........le problème, c'est
qu'elle part dans tous les sens, et que je me sens
embarqué dans un voyage sans limites.....dejà je fume un
joint de temps en temps avec elle,
elle m'a aussi proposé de fumer du crack avec elle......
C'est ainsi qu'elle n'a pas de limites, et
que je cherche à garder un peu de controle. Enfin, je crois
que c'est plus sur la façon de dire les
choses , que je suis très maladroit.
C'était il y a déja quatre mois, en Janvier , Davi naissait.
Aujourd'hui, 15 Mai, Isis est repartie à la rue. Depuis tout
ce temps, chaque fois qu'elle est retournée
au crack, je suis allez en ville , me montrant dans les
lieux où elle pouvait être , pour lui donner
l'occasion de demander à revenir à la fazenda . Ça a marché
ainsi chaque fois, elle me voyait,
venait me parler, et elle revenait à la fazenda, puis
repartait en crise au bout de 7 à 10 jours.
Elle avait besoin d'avoir toujours quelque chose à faire, en
plus de faire la cuisine ou s'occuper
de la maison, alors elle a voulu faire des bougies....j'ai
acheté des moules, la parafine, les colorants
, et parfums...ça a duré quelques jours.....C'était aussi
bien qu'elle abandonne cette activité car
son coté "excitée " m'inquiétait , et lorsque je la laissait
seule, j'avais toujours peur d'un accident,
qu'elle mette le feu....
Alors je la guidais doucement vers le dessin.....Elle
s'appropria cette activité avec une fébrilité
inattendue...imaginant une exposition à la
fazenda.......Pourquoi pas...
Un soir, qu'Isis était revenue à la fazenda, je lui parlais
de mes amies, et des abus sexuels que
certaines avaient subies. Plusieurs de mes amies m'ont ainsi
confié des viols, incestes....
presque chaque fois, c'était la première fois qu'elles en
parlait à quelqu'un.
Ce sont des situations que j'ai appris à connaitre malgré
moi, et souvent avec douleur .
Je ne sais plus comment était venu cette discussion. Mais
Isis était devenue peu à peu très irritée,
dérangée par ce que je lui racontais. Alors je lui demandais
ce qu'il se passait; elle me répondit
qu'elle n'aimait pas parler de toutes ces choses
désagréables. Ah bon.....Mais pourquoi ???
Est-ce que cela t'est arrivé à toi aussi ??
Elle me répondit: " Non........ seulement la curiosité d'un
homme ".
La curiosité d'un homme ???
Quel était cet homme ? "Le compagnon de ma mère.."
Et tu avais quel age ? "6 ans ".
Qu'est ce que tu veux dire par "curiosité ".
"Eh bien, il m'a montré son sexe, et il m'a dit que c'était
comme une sucette, et que si je le suçais,
il donnerait un jus délicieux."
Il est clair qu'Isis a été abusé sexuellement, mais elle ne
le sait pas vraiment, ne veut pas le savoir.
Plutard elle niera avoir tenu ces propos.
Petit à petit Isis compris qu'elle pouvait revenir à la
fazenda, malgrè ces crises.
Elle commença à revenir d'elle même .
Je l'ai récupérée un jour, une fois de plus,... et comme
depuis quatre mois elle crisait chaque
semaines, je lui ai fait remarquer cela et proposé d'acheter
du crack une fois par semaine.
ensuite on a parlé quantité, et elle a proposé 30 reais par
semaine, soit "dix euros", ce qui ferait
40 euros par mois ???????? très peu, au regard de l'enjeu..
stabiliser une personne, et lui donner le
temps de se soigner...etc,, En fait, bien qu'aillant
travaillé sept années auprès de toxicomanes,
je n'ai aucune expérience du sevrage de crack, et il semble
d'ailleurs que personne ne sache
comment s'y prendre. Cet essaie de "crack une fois par
semaine", n'a pas marché, Isis a fait ses
crises de nerfs quand même et est retournée fumer en ville.
Enfin..la vie continue....Lors d'un de ses retours, dès son
arrivée, je lui ai proposé d'aller voir sa
fille, et son bébé, chez sa mère qui m'avait instamment
invité à amener sa fille.
Dès notre arrivée, la mére m'a accaparée, et j'ai dû lui
dire clairement que je n'était pas favorable
à ce que sa fille reste chez elle, mais que je
n'interviendrais pas dans leurs décisions.
Isis s'est montrée très proche de sa petite , qui ne la
lâchait pas d'une semelle, et qui, ensuite,
a fait pareil avec moi, avec des demandes de jouer,
d'apprendre à lire l'heure..etc.
ça été très sympa, et tendu, car la mère d'Isis a eu
beaucoup de mal à accepter que la petite
dorme avec Isis, puis, qu'on lui achète quelques
cadeaux...etc, Au final, la mère d'Isis a pété les
plombs , accusant "mes cadeaux", quand la petite a vomi un
soir. Je lui ai rétorqué qu'elle n'avait
cessé de stresser la petite "Maria" toute la journée, la
forçant à manger, comme on gave les oies,
interdisant de jouer avec nos cadeaux......bref, la mère
d'Isis nous a retournée la table par terre,
dans une crise de nerf très agressive.... Elle m'a demandé
de partir. J'ai pris mes affaires et ai
laissée Isis seule avec sa mère , pour décider de ce qu'elle
allait faire . Isis a préféré partir aussi .
De retour à Itacaré, j'étais épuisé, et un matin, je me suis
levé d'assez mauvaise humeur, nous
avons fait des courses, et j'étais dans une humeur à refuser
tous les caprices de la belle.
Ça n'a pas raté...à midi, c'était la crise de nerf , et le
lendemain matin , elle me disait qu'elle
n'avait plus de sentiment pour moi.....Ce à quoi j'ai
répondu , "eh bien, si c'est ce que tu veux,
tu peux t'en aller". Mais elle ne veut pas partir.....Pour
moi c'était assez clair, "si t'es pas gentil,
plus de calin", plus crûment, " pas d'argent , pas d'amour".
Tout ceci, au petit matin, avant que je
parte seul faire des achats. Je suis donc parti sur une
rupture dejà décidée. Quand je suis revenu,
elle m'attendait sur le quai, vêtue en petite culotte, et
drapée, très sexy.... et un trés joli bouquet
de fleurs à la main, me demandant si j'allais accepter un
baiser...
J'étais toujours fatigué, pas de bonne humeur, ayant ruminé
son annonce de départ; mais elle
change du tout au tout; je n'ai pas cette souplesse ;
accepté le baiser, j'ai essayé de savoir ce
qu'elle voulait ?....rien... ensuite je l'ai ramenée à la
rue. Je n'ai rien pu faire d'autre, tellement
j'étais en colère et fatigué . Mais maintenant, je me dis
que j'ai été encore à coté de la plaque....
En fait, elle ne peut pas parler de sentiments ,
d'émotions... Mais elle était allée chercher ces
fleurs, et les tenait à la main pour me les donner, en me
disant,
" si tu les prends pas, je n'ai plus qu'à me tuer....." .
Mais sur le moment, je n'ai pas entendu , ses mots me
reviennent maintenant, avec plus de clarté
et de force, car les entendre en Portugais, pour moi, ça
décale le temps de comprendre....
Voila, comment nous avons vécu ces moments.....Une fois de
plus, elle a crisé, et j'ai l'impression
de ne rien entendre, ni comprendre au bon moment. Pas moyen
de passer plus d'une semaine sans
"clash".
Isis a demandé à revenir, j'ai acheté son crack, puis ai dit
que si elle tenait quinze jours tranquille,
elle aurait sa planche de surf. Au bout d'une semaine, elle
a réclamé du crack, j'ai dit ok, mais bon,
tu n'auras pas la planche de surf, ce sera pour
plutard........ Le soir elle a renoncé au crack, pour la
planche de surf, j'étais vraiment tres étonné, surpris, et
le 15 ème jour j'ai reçu en cadeau une
planche de surf à réparer, de la part d'une amie d'ici. Donc
comme promis, elle avait sa planche de
surf. Isis était toute contente. Le lendemain petite
crise......puis, elle a demandé à retourner à la
rue......Ok......Après une semaine, cette fois, elle
téléphone pour revenir..... Elle est ici.....
Petit à petit, elle demande à revenir, alors que jusqu'à
présent, je la croisais dans la rue et elle me
suivait. Elle garde en mémoire les lieux ou elle peut me
trouver, là, elle a même gardé mon Nº de
tel. Je crois que ce sont des progrès important....plus de
confiance.... Tout va bien pour l'instant.
J'apprends aussi à me défaire des préjugés tenaces........
C'est vraiment très bizarre, car elle
revient toujours dans des états minables, et reprends,
aussitot arrivée, d'autres gestes.....
faire la cuisine, laver le linge, nettoyer, planter ,
recoudre un drap........chanter......
On a continué ainsi jusqu'en Aout
2014 . Isis passait une semaine ici, puis une semaine en
ville.
Puis un jour, j'ai eu l'impression d'avoir perdu de
l'argent...peut-être Isis ?
Un jour, elle revient seule, par elle même, à la fazenda,
dans un sale état, pour parler, entre amis,
elle veut me parler. Je la laisse se reposer, et, comme j'ai
un doute de vol, je vais compter mon
argent, puis retourne travailler. Nous déjeunons, parlons un
peu, elle est un peu délirante.
En fin d'après midi, elle me demande de la ramener à
Itacaré.
Je vais vérifier mon porte monnaie. Il manque 50 reais. Je
le lui dis, car cette fois, j'en suis
absolument sûr.
Elle ne veut rien reconnaitre. Me crie qu'elle a travaillé,
fait le ménage, etc... des arguments
habituels. Elle reste accrochée à l'idée que je l'ai
embauchée...
Je lui répète que ça n'est pas vrai. La crise, cris,
menaces....Elle s'arme d'un baton, en furie....
Ok, je vais te raccompagner, mais Isis tu dois entendre que
"tu m'as volé 50 reais, et que tu ne
veux pas le reconnaitre.......
Et puis sur le fleuve, je me dis que je n'ai pas à lui
rendre les départs aussi faciles , surtout après
m'avoir volé . Je décide de la déposer en face, sur l'autre
rive du fleuve, un endroit de mangrove à
quatre km de la ville, donc dans la boue.
Elle refuse de descendre. Me menace avec l'ancre. Je vois
rouge, et lui envoie un coup de rame .
Elle descend...
Je suis dans mon bon droit...enfin c'est ce que je pense....
Mais je me sens coupable...c'est une "toxico", c'est évident
qu'elle peut me voler, et normal...
La semaine passe......J'ai croisé Isis, elle s'est cachée,
et m'a fuit.
Ce soir 14 Aout, je l'ai croisée encore...Elle mendie, avec
une fleur en papier dans les cheveux, et
elle a retrouvé ses gestes de petite fille timide, elle me
fait peine, et je me sens encore plus
coupable. Elle n'a pas d'autre solution que de vivre
ainsi...
Quand elle est "sous crack", Isis a des comportements
masochistes, elle se donne des giffles en
marchant, fait des signes de croix,sourit à tous, ...ou se
met en colère...
Bref, et je me demande pourquoi je rate tout...enfin,
pourquoi toutes mes réponses sont décalées,
à coté, pas en relation avec ce que je
voudrais...bref...discordantes...
Je voudrais pouvoir revenir à l'instant précédent pour
pouvoir faire la bonne réponse..bien sûr,
ce n'est pas possible..
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Par ailleurs je me suis embarqué dans
de gros travaux.
C'est que depuis l'achat de cette fazenda, j'ai acquis un
mini tracto pelle, je creuse, place des
tuyaux, m'embourbe souvent, pour faire trois bassins
naturels qui vont servir de piscine,
de décoration. J'installe aussi un générateur à roue à aube
dans la cascade....
Tout ça avec un ouvrier super sympa.....Deux ans de travaux
durs, et Isis qui aide en s'occupant
de la maison, des repas, plante, fait des boutures......
Une fois, après une semaine sans crack, je lui ai proposé de
faire une balade en bateau jusqu'à
Salvador.
Mon intention était de changer un peu de rythme, de lieu, et
voir si celà pouvait avoir une
influence sur son rythme de "Crise ou Crack".
Mal de mer....Deux crises de nerf en arrivant, discussion
impossible.........elle,........retour en bus....
moi, seul en voilier.
En fait, sortie du bateau elle a vadrouillé en ville, et
comme la crise avait été assez violente,
menaces, etc...j'avais prévenu les gardiens de la marina
qu'ils ne devaient pas la laisser revenir
sur le bateau en mon absence.
Elle est revenue au bateau quand je n'y étais pas, et a été
rejetée par les gardiens.
Alors elle a vite rencontré un gars qui lui a dit ou trouver
du crack ........pas compliqué.
Elle est revenue 15 jours plutard.
Une fois, nous avons fait une balade en mer, avec Pascal, et
Jean.......
Elle avait très peur de se retrouver avec des gens qu'elle
connait, mais qui sont plutot de mes
amis. Ce fut surtout un grand mal de mer.....
Je faisais des efforts pour trouver des portes de sorties à
ces séries de crises....
Puis, j'ai enfin compris que j'avais des efforts à faire
pour ne pas la suivre dans sa violence.
Car jusqu'à présent, j'ai presque toujours réagit en miroir
à ses crises.
Alors, je parviens à la laisser s'énerver seule, et c'est
elle qui revient s'excuser.
Ainsi, elle parvient à rester trois semaines sans crack.
C'était la première fois que son séjour
durait.....
Pour la première fois aussi, qu'elle réussi à partir en
disant qu'elle a besoin de fumer, et celà ,
sans crise.
Nous sommes le 20 Mars 2015, déjà plus d'un an qu'Isis
reviens régulièrement à la fazenda et je
n'ai rien écrit.
Petit à petit, elle a trouvé seule le chemin. Le temps est
passé ainsi, une semaine, parfois 10 jours
ici dans la fazenda, puis crise, retour à Itacaré, crack ,
rue, et retour fazenda .
Maintenant, elle économise l'argent sur ses dépenses de
"crack", pour revenir en payant sa "lanche"
, barque .
Elle revient déjà un peu sevrée... Ce sont des progrès
énormes.
Je réalise, en écrivant, qu'Isis fait de très grands efforts
pour rester ici dans la fazenda.
Elle a même accepté de signer une reconnaissance de dette.
J'ai fait une sorte de test.
C'était pour essayer d'évaluer son désir de s'en sortir.
Bien sûr, je ne m'en servirais pas.
Mais ce fut pour moi, une preuve de sa bonne volonté. Car
j'en doutais.
Elle est donc partie vendredi dernier, en disant qu'elle
était trop mal.
Lundi, elle est revenue, et ce fut comme "une grande
déchirure" dans ma tête, car j'ai été obligé de
lui dire qu'elle ne pouvait pas rester,
car je veux être tranquille pour recevoir ma fille, qui
vient passer une semaine avec sa petite Luna.
Elle était triste, et m'a dit qu'elle aurait aimé que je lui
présente ma fille.
J'étais très triste ausi, et me sentais coupable.
Mais je ne me sentais pas la force d'envisager d'assumer ses
crises de nerfs avec ma fille au milieu.
Le Mardi, je suis allé la voir en ville pour lui donner un
peu d'argent, et surtout lui dire
qu'elle pourrait revenir à partir du 4 avril (2015), et que
je l'emmènerais faire une cérémonie
d'Ayahuasca.
Mon intention était qu'elle garde confiance, et que je ne
l'abandonnais pas.
Bien au contraire, car chaque fois qu'elle part, je ressens
encore plus que je l'aime.
Et je voudrais pas qu'elle fasse une bêtise pendant cette
période.
Le lendemain j'ai rencontré Pedro et Dani, qui ont été très
intéressés par mon histoire avec Isis.
J'ai connu Pedro et Dani lors de cérémonies d'Ayahuasca à
Borboletta Azul .
Ayahuasca ??? Pourquoi ??? C'est une des décoctions utilisée
par des indiens d'Amazonie, dans un
cadre rituelique, et il y a un médecin français qui a ouvert
un centre de soins en Amazonie
péruvienne pour traiter les dépendances à la cocaine et au
crack .
J'avais été invité par un professeur de yoga, il y a vingt
ans, à suivre une initiation avec
l'Ayahuasca, ou avec l'Iboga.Mais j'avais eu peur de ces
démarches.
Arrivé au Brésil, j'ai trouvé un centre psychothérapeutique
qui propose un travail avec des
cérémonies d'Ayahuasca.
J'y ai suivi une cession de 10 jours . Ce fut très
intéressant, et j'ai donc continué à participer à des
cérémonies Ayahuasca avec un autre groupe . J'ai ainsi
acquis une petite expérience au cours
d'une quarantaine de cérémonies .
C'est ainsi que j'avais fait la connaissance de Pedro et
Dani.
Ils m'ont proposé de rencontrer Antonio, qui était accro au
crack, et a arrêté grâce à une cure
d'Ayahuasca.
J'ai rencontré Antonio le jour même et avons convenu de se
voir avec Isis dès le 5 Avril, et préparer
une série de 9 cérémonies pour elle, que l'on fera dans la
fazenda.
Déjà, ils ont parlé de planter les arbustes pour plutard.
J'ai donné 200 reais à Antonio pour les premiers frais.
Début Avril,j'ai des nouvelles d'Antonio, il viendra le 13
pour voir Isis.
En fait ils arriveront bien le 13,lui et sa compagne Maïra, et
à peine arrivés dans la fazenda,
il pose deux bouteilles d'Ayahuasca sur la table,et la
première cérémonie commence
sans que Isis ait eu le temps de se poser des questions.
|
 |
C'était très bien ainsi, car
j'avais peur qu'au dernier moment elle hésite, recule.
Six mois que je lui parle d'Ayahuasca.........et aujourd'hui,
je ne sais plus comment faire pour stopper ce cycle de
reproduction de situation de crises, L'Ayahuasca est la seule
autre porte de sortie à expérimenter. Je lui en ai beaucoup
parlé, et aussi j'ai suivi ce chemin avant elle pour ne pas
l'embarquer dans une galère, ou prendre des risques
inconsidérés. C'est pour ces raisons que j'ai voulu faire ces
cérémonies à la fazenda, chez moi donc.
Elle but un demi verre, et nous tous, aussi.
Elle vomi, fut bien secouée, et jura, que jamais elle n'en
boirait à nouveau.
La deuxième cérémonie dans la fazenda Jasmim, eu lieu sans
Isis.
J'insistai beaucoup, et lui rappellais que Ayahuasca était la
seule possibilité connue pour aider à sortir du "crack".
Elle participa à la troisième en buvant deux cuillères......
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Isis demande à participer aux cérémonies, mais elle se
limite à deux cuillères, ce qui la fait dormir.
Elle parle peu de ce qui se passe en elle, mais elle dit
aussi "Ah, il faut que je pense un peu à mon
comportement".
Et ça, c'est très étonnant, car c'est la première fois en un
an et demi qu'elle se remet en cause.
Enfin du nouveau, elle prends conscience qu'elle n'aime pas
tout de son comportement..qu'elle veut
changer ......
Antonio et Maira sont partis. C'était bien qu'ils soient
là..ça me faisait moins de poids sur les épaules.
Isis aime bien Maïra, elle parlait plus volontier avec elle.
On continue des petites cérémonies entre nous, moi et Isis,
une fois par semaine, deux cuillères
chacun.
Cela nous apporte un moment de tranquilité d'esprit, de
sérénité.
Isis va parvenir ainsi à ne pas fumer pendant un mois et
demi.
Puis elle demande un peu de maconia...une bière...et elle
veut retourner à Itacaré fumer du crack.
Elle dit : "préciso crack " j'ai besoin....
Ok, la porte est d'autant plus ouverte, qu'il n'y en a pas.
Je vais en ville avec la barque, tandis qu'Isis attend sur
le quai une bonne âme qui voudras bien
l'emmener.
Car quand elle veut partir, je ne l'en empêche pas, mais je
ne l'aide pas non plus..
Lorsque je reviens, elle m'attend sur le quai, elle a décidé
de rester...
C'est une super bonne nouvelle, et je reste très ètonné,
elle a gagné des forces, une capacité nouvelle
à choisir, je ne sais pas ce qu'il se passe en elle, car
elle n'exprime rien de ses pensées...
est-ce qu'elle en a ? est-ce qu'elle pense ? je ne sais pas,
elle refuse en tout cas de communiquer ses
pensées. D'ou, plutot des crises de nerf.
Puis arriva des évènements imprévus qui nous causèrent
beaucoup de difficultés.
Nous fumes assaillis à deux reprises par des bandits armés,
le 22 avril et le 29 mai 2015.
Isis fut abusée, moi battu longtemps, elle tenta de prendre
ma défense, au risque de sa vie.
Ce fut très violent, ils étaient quatre, masqués, armés, en
furie......
Nous avons fuit la fazenda quelques jours.
Isis ne voulait plus y revenir tant qu'il n'y aurait pas des
portes avec serrrures.
Elle avait raison . J'installais des portes , me procurais
un chien , installait des projecteurs autour
de la maison.
Petit à petit nous sommes revenus au cours habituel de notre
quotidien, travaux dans la fazenda,
dessin, et nos petites cérémonies Ayahuasca qui de loin en
loin amenèrent Isis à rester trois mois
sans fumer , et sans crise de nerf.
Isis voulait bouger, aller à Salvador
em bateau, voir des spectacles …..
Alors on a tenté de nouveau un voyage à Salvador. Ce fut une
bonne navigation. Isis pris ses quarts
de surveillance, pendant que je dormais un peu. Puis
Salvador, où elle voulu voir autant de chose
que possible, le musée de la marine, le phare, et une soirée
au cirque.
Isis au cirque....ce fut un grand moment de joie et de rire
pour elle...
un grand moment de joie pour moi de la voir ainsi battre des
mains et rire et sauter sur son banc......
Ensuite on a visité aussi le parc zoologique..Elle voulait
tout voir et tout faire comme une enfant.
Je rechignais à payer pour une photo avec Mickey.....alors
elle en a pleuré....alors on a fait la photo.
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J'étais toujours tiraillé entre l'envie de lui faire
plaisir, de dire oui à tout..et mon besoin de limiter
un peu tous ses désirs....Ne faut-il pas, pour sortir de la
drogue, de l'urgence, du tout et tout de suite,
qu'elle apprenne la frustration, la gestion des désirs, du
manque.....??
En dehors des taches quotidiennes, moi à creuser piscines,
ou placer des tuyaux d'eau, etc..
Isis à la cuisine, ou au ménage, Isis avait le temps de ses
activités de "reconstruction".
Comme elle avait été formatée dans une école évangélique,
pour contre carré cet enseignement
étroit, j'avais offert à Isis "une histoire brève du monde".
Un livre d'histoire plus scientifique .
Elle avait aussi à disposition papier à dessin, crayon,
feutres, peintures, et dessinait abondemment....
C'était son moyen d'expression privilégié. Une fois par
semaine on allait sur la plage, elle surfait,
je nageais un peu et passais beaucoup de temps à la
regarder. Elle avait besoin de ce regard , tout en
surfant elle m'envoyait des signes de la main.....pour
s'assurer que je la regardais....
Oui, Isis, je suis là, je te "vois".....Il était important
que je puisse décrire comment elle avait surfé
cette vague, et quelle belle chute.....
Un jour, un matin de bonne heure, peu de temps après que
j'ai engagé mon troisième ouvrier/gardien
(caseiro, Nildo), elle se mit à courir après lui, en furie,
en gueulant des mots désagréables que je ne
comprenais pas . J'essayais en vain de faire comprendre à
Nildo de s'en aller faire autre chose...
mais rien à faire, il ne comprenais pas . Pour que cela ne
dégénère pas, j'ai ceinturé Isis en pleine
crise de nerf, et je nous ai envoyé dans la piscine . Ça ne
l'a pas vraiment calmé , elle sorti de l'eau
aussi furieuse, mais contre moi cette fois . Bon j'avais
évité la perte de mon ouvrier .
Je n'ai jamais su le pourquoi de cette crise , C'était une
période difficile pour nous.
Nous avions besoin d'une présence permanente pour nous aider
à rester dans la fazenda .
Et j'avais beaucoup de mal à trouver un caseiro correct .
Le premier, Antonio , nous avait laissé tombé au bout de dix
jours sans rien dire...Le deuxième avait
commencé à me voler le troisième jour...
Isis était extrèmement sensible, et il se pouvait qu'elle
ait eu des impressions désagréables au sujet
du caseiro . Mais elle ne parvenait pas à en parler.
Peut-être par refus de partager des bizarreries
du " Brésil ", de la mentalité très spéciale des gens d'ici
.
Peut-être y avait-il de la peur ........
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